Une opération de déstabilisation en bonne et due forme, donc? «Ces éléments-là, surtout en matière de course aux armements, ce n’est jamais neutre. Il y a bien une volonté politique derrière», insiste notre intervenant. Il évoque au passage le «passif» dont pâtit la France dans le Pacifique, en particulier suite aux essais nucléaires, ainsi que le rôle que pourraient tenir les États-Unis dans l’éviction d’une France qui «marche sur ses plates-bandes».
Peu de chance aux yeux de Me de Maison Rouge que les Américains tolèrent sur long terme cette présence dans son pré carré, qui plus est dans le contexte du changement d’Administration, qui préfigure un regain de tensions entre Washington et Pékin. Comme le rappelle l’avocat, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie entretiennent une collaboration étroite en matière de Défense, qui s’illustrent notamment par le traité du UKUSA (United Kingdom?–?United States Communications Intelligence Agreement) signé en 1946, en matière de renseignement, et resté secret jusqu’au scandale autour du système mondial d’espionnage Echelon. Le contrat géant de six milliards de dollars, raflé au milieu des années 1990 par Boeing à la barbe de son concurrent Airbus en Arabie saoudite est un exemple parmi d’autres de la capacité des services secrets américains à intercéder en faveur des groupes US. «Très clairement, depuis le départ de Trump, on sent que les cartes sont rebattues, qu’un nouvel arc se dessine avec des rangs anglo-saxons qui se resserrent face à l’axe russo-chinois», témoigne le spécialiste en intelligence économique. Une influence de Washington qui était allée jusqu’à imposer un partenaire américain au constructeur français. En effet, si Lockheed-Martin, le numéro un mondial de l’armement accompagne aujourd’hui le groupe français dans cette aventure, c’est parce qu’en 2016 «l’option française a été rudement controversée. Notamment par les États-Unis, très influents en Australie, et qui ont obtenu que le système de combat (l’“intelligence” technologique) des sous-marins ne soit pas français, mais américain», comme le rappelait Ouest-France le 20 janvier.
La France «a clairement profité des années Trump»
Pour l’avocat spécialiste de l’intelligence économique, la France «a clairement profité des années Trump», tout particulièrement en matière de contrats d’armement. Donald Trump «n’a jamais beaucoup aimé le kaki», insiste Olivier de Maison Rouge, pour qui le retour à la Maison-Blanche d’un Président pro-establishment signe la fin de la récréation pour les intérêts français. «Il va y avoir une véritable continuité dans la politique antichinoise des Américains, qui sous Trump étaient nationalistes et là on va revenir à des menées impérialistes avec Biden.» Au-delà du rouleau compresseur des sanctions extraterritoriales, qui avait particulièrement éprouvé les grands groupes français (BNP, Total, Crédit Agricole, Alstom, etc.) sous les mandats de Barack Obama, dont Olivier de Maison rouge se dit «intimement convaincu» qu’il devrait être remis en marche par son ex-Vice-Président, le mandat de Joe Biden devrait marquer un net retour de la défense des intérêts du complexe militaro-industriel états-unien par l’administration américaine. Une «redistribution des cartes» qui devraient subir les intérêts français, tout particulièrement dans la zone indopacifique. Dans le secteur de la Défense, la France figure à la troisième place mondiale. D’après l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), la Chine apparait, après l’Égypte, sur le podium des clients de l’industrie française d’armement entre 2013 et 2017. Sur la même période, la France s’avère être le deuxième fournisseur d’armes de Pékin (14%) après Moscou (65%). «Aujourd’hui, on cherche à faire rentrer la France dans le rang, très clairement», estime l’avocat «Il va falloir choisir son camp. À partir du moment où il y aura une hégémonie, cela veut dire qu’il y aura des vassaux et on sera à nouveau vassalisé et le meilleur moyen de vassaliser, de soumettre, c’est précisément d’affaiblir», conclut Me de Maison Rouge.